C’est « à domicile » qu’Antoine Bouchard a participé à sa dernière compétition internationale, à l’occasion de la Coupe Panaméricaine de Montréal. Entouré de ses proches, il a pu mettre un terme de la meilleure des façons à une carrière remarquable, en décrochant la médaille d’or. Un symbole pour ce Saguenéen de 29 ans qui est passé par toute une panoplie d’émotions, de sa 5e place aux JO de Rio 2016 à sa blessure qui le tiendra éloigné des tatamis pendant plusieurs mois et nécessita deux opérations…
Nous l’avons rencontré quelques jours après la Coupe Panaméricaine de Montréal.
Judo-Québec : Antoine, à 29 ans, qu’est-ce qui t’a poussé à prendre ta retraite de la compétition ?
Antoine : Avec l’âge, je ressens plus de fatigue et de difficulté à récupérer. Je savais déjà que je n’irais pas aux JO de Paris 2024. J’avais décidé de prendre ma retraite après les Jeux Panaméricains de Santiago. Cependant, quand la coupe Panaméricaine de Montréal a été annoncée, je me suis dit que ce serait l’occasion de finir en beauté au Québec, devant mon public et ma famille. J’ai atteint mon objectif et l’ironie veut qu’il ait fallu attendre que j’annonce la fin de ma carrière pour gagner mes combats par des Ippon debout (rires).
JQ : Tu as gardé tes attaches avec Saguenay, ta région d’origine. On te voit régulièrement donner un coup de main à ton club formateur Judokas de Jonquière et son entraîneur Roger Tremblay. Envisages-tu de pousser l’expérience plus loin ?
Antoine : Je n’arrête pas le judo par lassitude. J’adore toujours ce sport ! J’ai donné un coup de main à Roger Tremblay quand l’occasion se présentait et je pense que dans l’avenir je serai amené à m’occuper d’athlètes. J’aime ça ! Le judo m’a beaucoup donné, je ressens ce besoin de donner au suivant. Quelle que soit la suite de ma carrière, je sais qu’un jour j’entrainerai des jeunes.
JQ : Tu as su concilier études et sport de haut niveau. Tu complètes actuellement ton doctorat en biochimie à l’UQAM. Qu’est-ce qui t’a amené à cette discipline ?
Antoine : Poursuivre ses études et une carrière d’athlète nécessite un investissement de soi total. Si tu ne le donnes pas à 100%, aussi bien dans l’un que dans l’autre, tu n’atteindras pas tes objectifs.
J’ai choisi la biochimie par intérêt quand j’étais au CEGEP. J’ai toujours eu un certain attrait pour les sciences mais aussi pour tout ce qui touche l’humain. La biochimie est alors apparue comme une évidence.
Il me reste deux années d’étude pour compléter mon doctorat. Dans ce cadre, je travaille actuellement sur un processus biochimique appelé SUMOylation lié au développement cancéreux et à sa prévention. C’est un monde différent mais fascinant.
JQ : Comment envisages-tu l’avenir désormais ?
Antoine : Je n’ai pas de vision à long terme. Je débute bientôt un stage chez Judo Canada. Parallèlement, la biochimie m’intéresse et j’y retrouve un certain équilibre, un peu comme dans le judo : faire de la recherche implique un investissement total. J’aimerais me consacrer à la recherche fondamentale et/ou à l’enseignement. On travaille fort pour obtenir des résultats et lorsqu’une avancée arrive, on ressent la même émotion que lors d’une victoire en tournoi.
JQ : Il y a une nouvelle génération de judokas prometteurs, quel serait ton conseil à leur attention ?
Antoine : Que ce soit dans les études ou dans la pratique sportive, ils doivent s’investir à 100%. Vouloir réussir en pensant qu’il est possible de choisir « à la carte » ses entraînements ou ses cours est un calcul voué à l’échec. Il n’est pas toujours facile de gérer sa vie, de se prendre en main et garder son focus, surtout à 16 ou 17 ans, âge auquel j’ai dû déménager de la maison familiale au Saguenay vers Montréal. Ceux qui auront la discipline nécessaire pour garder le cap auront toutes les chances de réussite.
JQ : Pour revenir sur ta carrière sportive, quel est ton plus beau souvenir de judoka ?
Antoine : Chacun des beaux moments auxquels je pense est relié à la présence de de mes proches et de ma famille dans les tribunes : à Rio (JO, 5e), à Edmonton (1er Panam) par exemple, j’étais accompagné de mes proches et j’ai pu partager l’émotion qu’eux-mêmes ont vécu depuis les tribunes.
Lors de la Coupe Panaméricaine de Montréal il y a quelques jours, ma famille et un contingent un peu plus large d’amis étaient venus me soutenir pour ma dernière compétition. Finir sur la première marche du podium a été pour moi un accomplissement et j’ai pu alors mesurer à quel point le soutien de toutes et de tous a été important dans ma carrière. Je les remercie pour tout. Mes plus beaux moments en tant qu’athlète sont définitivement ceux passés à leur côté.
Photos : IJF
JQ : Pour finir, quel est le plus grand regret durant ta carrière de judoka?
Antoine : Je n’ai pas vraiment de regret car j’ai toujours donné mon maximum. La seule chose qui m’a fait me questionner au fil des années, ce sont les pertes de poids avant les compétitions. J’ai souvenir d’une compétition en Russie où après un voyage chaotique j’avais 5kg de trop… Que j’ai perdu pour la pesée officielle! Je n’ai jamais aimé cette facette des compétitions. C’est usant psychologiquement et physiquement.
La gestion du poids des athlètes est vraiment un sujet important qui mérite toute l’attention de l’entourage et des coachs. Un moment donné, le corps n’en peut plus, il ne faut pas qu’un jeune s’entête à faire son poids à contre-courant de la nature. Au cours de ma carrière, je suis passé de -66kg à -73kg et ne le regrette pas.
Maintenant, si je pouvais effacer un mauvais souvenir, c’est ma blessure à l’épaule qui a certainement changé le cours de ma carrière. Aurais-je pu l’éviter? Je ne sais pas, il m’arrive de me poser la question. Je ne changerai malheureusement pas le cours des choses, elle fait partie de mon parcours.
Photo : Antoine Saito – Judo Canada
Cette rencontre avec Antoine Bouchard nous a permis dedécouvrir une facette moins connue de cet athlète respecté sur les tatamis du monde entier. Antoine est quelqu’un de profondément humain, un vrai philanthrope. Dans ses études ou durant sa carrière, l’amitié, la famille, le contact humain prennent et prendront encore une grande place. Nul doute que nous le reverrons sur une chaise de coach dans un avenir plus ou moins proche. Montréal, Jonquière, voire Vancouver, Lima ou Mexico, Antoine a encore tant de choses à donner, de belles choses! Et s’il décide finalement de se consacrer à la recherche ou l’enseignement en biochimie, gageons que la reconnaissance de ses pairs ne tardera pas.
Bonne retraite Antoine!
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